Impôt sur la fortune improductive : comprendre le basculement et anticiper les impacts

Façade de l’Assemblée Nationale française sous un ciel bleu, symbolisant la réforme fiscale et les évolutions législatives.

November 7, 2025

Dans le cadre du projet de loi de finances 2026, les députés ont adopté un amendement transformant l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) en impôt sur la « fortune improductive ».

Ce mouvement, s’il est confirmé dans les textes finaux après les débats parlementaires, constitue un changement de cadre conceptuel : la fiscalité du patrimoine en France ne ciblerait plus la nature d’un actif (immobilier), mais sa fonction économique.

C’est une évolution notable. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large, déjà observé dans plusieurs pays européens : inciter le capital privé à participer davantage au financement direct de l’économie et des entreprises.

Pour les investisseurs disposant d’un patrimoine élevé, il devient indispensable de comprendre, dès maintenant, la logique du texte, les actifs visés, et les marges de manœuvre possibles pour piloter son allocation dans un cadre serein.

Du passif au productif : une logique économique assumée

Jusqu’ici, la ligne de partage était simple : l’IFI taxait l’immobilier net taxable au-delà de 1,3 M€.

Le nouveau texte, lui, procède à une recomposition : l’assiette devient fonction de l’utilité économique du capital.

Autrement dit : ce n’est pas l’actif qui compte, c’est son rôle économique.

Cette distinction change beaucoup de choses.

Elle déplace la frontière : un actif immobilier peut être considéré comme productif (mise en location, revenus récurrents), tandis que des liquidités excédentaires ou des fonds euros peuvent, dans cette grille de lecture, être considérés comme « dormants » et donc taxables.

Ce glissement de logique rapproche de facto la fiscalité française de celle des banques centrales : on souhaite orienter l’épargne excédentaire vers les marchés, la dette corporate, le financement des ETI, plutôt que vers des poches de trésorerie inertes.

Fonds euros : le signal le plus marquant

Le point le plus commenté de la réforme est l’inclusion des fonds euros dans les actifs considérés comme improductifs.

Ce point est, pour beaucoup d’entre nous, totalement contre-intuitif.

Les fonds euros sont depuis 25 ans le socle de la prudence patrimoniale française. Et, dans les faits, sont les meilleurs financeurs obligataires de l’économie française en finançant massivement les obligations d’entreprises, les émissions souveraines, ainsi que la dette corporate.

Notre incompréhension ici est légitime car taxer les fonds euros, c’est taxer une forme de prudence.

Pour autant, à ce stade du texte, l’intention est claire : encourager un rééquilibrage de l’épargne vers des supports investis directement dans l’économie productive.

C’est le point le plus sensible : les fonds euros des contrats d’assurance-vie font désormais partie des actifs « improductifs ».

Clarification sur les nouveaux seuils et taux

information clef : le seuil et le taux changent radicalement (cela a fait l’objet de nombreuses “fake news”).

Contrairement à une confusion répandue dans la presse, qui a souvent repris l'ancien seuil de 1,3 M€, les modalités précises du nouvel impôt sont gravées dans le texte de l'amendement n°I-3379, dont vous pourrez trouver le texte original ici.

Il est crucial de se référer à cette source primaire pour comprendre les nouvelles règles :

  • Le seuil : L'amendement adopté par les députés est sans équivoque et fixe le nouveau seuil d'imposition à 2 000 000 € de patrimoine net taxable, et non 1 300 000€. Ce changement majeur cible donc les patrimoines les plus élevés.
  • Le taux : Le barème progressif de l'IFI, qui s'échelonnait de 0,5 % à 1,5 %, est abandonné. Il est remplacé par un taux unique de 1 % qui s'applique uniquement à la part du patrimoine qui excède le nouveau seuil de 2 M€.

Ces deux changements majeurs, un seuil d'entrée relevé et l'instauration d'un taux unique, modifient en profondeur le profil des contribuables qui seront concernés par cet impôt. Cette nouvelle architecture ne vise donc pas davantage de contribuables ; elle vise plus haut, dans une logique de sélectivité accrue.

Quelles réponses possibles, de manière pragmatique ?

Pour les investisseurs concernés, la réponse n’est pas de dénouer massivement les contrats.

L’antériorité fiscale de l’assurance-vie est précieuse : elle constitue un actif patrimonial en soi.

La réponse, en revanche, réside dans l’arbitrage.

Les unités de compte (actions, obligations corporate, fonds thématiques, etc.) sont explicitement hors champ du texte.

Il est donc possible, à allocation constante, de déplacer certaines lignes en interne, sans impact fiscal sur l’antériorité, mais avec un effet immédiat sur l’assiette taxable éventuelle.

La bonne question, aujourd’hui, n’est pas : “ai-je un contrat d’assurance-vie ?”

La question devient : “quelle proportion de ce contrat finance réellement l’économie ?”

Penser désormais globalement

L'assiette du nouvel impôt, telle qu’elle est envisagée, va au-delà de l’assurance-vie.

Elle inclut potentiellement :

  • les liquidités excédentaires
  • les actifs numériques
  • les biens meubles de valeur (automobile de collection, art, etc.)
  • des actifs immobiliers non mis en production de revenus

Ce glissement appelle une nouvelle discipline : l’analyse patrimoniale doit plus que jamais redevenir globale.

Conclusion : une fiscalité qui encourage la mise en mouvement du capital

Ce texte, encore en discussion, montre une trajectoire claire : la fiscalité française souhaite inciter les patrimoines élevés à orienter davantage leur capital vers les entreprises, la dette productive, et les marchés.

Dans cette perspective, l’investisseur n’est plus uniquement un détenteur d’actifs.

Il devient, ou devra être un allocataire.

Le pilotage du patrimoine ne pourra plus être statique.

Le mouvement, l’arbitrage, le rééquilibrage, deviendront des outils réguliers de gouvernance du portefeuille.

Dans ce nouveau cadre, la véritable question patrimoniale n’est plus celle de la taille de l’épargne, mais de son rôle économique.

A propos de l'auteur

Marion Varamo, Directrice Marketing @Héritage Conseil

Directrice Marketing chez Héritage Conseil, j’ai la conviction que la pédagogie est la clé d’une relation patrimoniale de confiance. À travers nos articles comme dans les échanges avec nos clients, je m’attache à simplifier les mécanismes les plus complexes et à les rendre compréhensibles, utiles et concrets. Passionnée par le digital et l’expérience client, je m’intéresse également au sudden wealth syndrome, un sujet que j’étudie en profondeur pour mieux en nourrir la compréhension et le soutien apporté aux familles confrontées à ce basculement.